Rapport sur la gestion de L’Eau

René Pilato rend aujourd’hui mercredi 28 juin son rapport sur la gestion de l’eau pour des usages économiques. Co-écrit avec le député de la Nièvre Patrice Perrot, c’est un document incontournable pour appréhender et comprendre la situation critique de l’accès à l’eau en France. Une situation qui empire chaque année.

Retrouvez dans le lien suivant l’intégralité du rapport et ci-après l’avant propos de René Pilato:

AVANT PROPOS DU RAPPORT:

” L’eau est un bien commun de l’humanité, une ressource vitale nécessaire à
notre quotidien. Aujourd’hui, ce patrimoine naturel est menacé : la sécheresse sévit,
les inondations se multiplient, la pollution gagne du terrain et nos sources d’eau sont mises à mal. La crise de l’eau, mondiale, est une réalité qui touche directement la France et nos voisins européens. Selon le Commissariat Général du Développement Durable, la ressource en eau renouvelable a déjà baissé de 14 % en France métropolitaine, en moyenne annuelle, entre les périodes 1990-2001 et 2002-2018.


Les pratiques de surconsommation, le traitement insuffisant des eaux usées, et les
méthodes agricoles non durables épuisent nos réserves. De nombreux phénomènes nous rappellent l’urgence d’agir : ceux qui sont localisés et violents tels que les pluies torrentielles et les coulées de boue ou, au contraire, les pluies insuffisantes ; les sécheresses hivernales, qui laissent plus de la moitié des nappes phréatiques sous les seuils d’inquiétude ; les étés brûlants, rythmés par les canicules et incendies.


L’eau est un « or bleu » sur lequel font main basse des grandes entreprises,
sous l’impulsion du modèle économique capitaliste et productiviste en vigueur.
Pourtant, la raréfaction de l’eau est un défi majeur pour les êtres humains : trois
jours sans eau et nous sommes morts. Sa gestion est fondamentale pour répondre à
nos besoins primaires : boire, manger, se loger, assurer son hygiène et se déplacer.
Nous devons repenser notre relation à ce bien commun et optimiser ses usages. Il
est impératif de légiférer et d’investir dans des infrastructures et pratiques permettant une gestion responsable de cette ressource précieuse, en l’économisant et en la récupérant sans nuire aux milieux naturels. Préserver l’eau impose de préserver et restaurer ces milieux, condition nécessaire mais non suffisante à la survie de l’humanité.


L’implantation d’usines prélevant de l’eau directement dans les nappes phréatiques, telles que celle de Coca-Cola à Grigny, deviennent inacceptables. Un nouveau contrat social doit garantir le non-accaparement de cette ressource au profit
de quelques-uns. Les habitants de cette commune boivent l’eau potable traitée de la Seine tandis que l’usine pompe l’eau la plus pure des nappes phréatiques par forage direct. Le raccordement aux réseaux de la ville se négocie en ce moment. Le tarif payé au m³ d’eau prélevé d’un forage privé déclaré aux Agences de l’eau se situe entre 0,05 € et 0,18 € pour les usages industriels. Or, considérer l’eau comme bien commun devrait contraindre un propriétaire de forage à s’acquitter d’un prix à
hauteur de la valeur de la ressource – par comparaison, un usager domestique
s’acquitte en moyenne de 2 € par m³ prélevé, hors coût de l’assainissement.
Plusieurs mesures du Plan eau du gouvernement alertent le groupe parlementaire LFI-NUPES car elles ne contiennent que des généralités sur les quantités et les délais, alors que nous ne pouvons plus prélever davantage que ce que la nature peut reconstituer. La Cour des Comptes elle-même pointe la nécessité de respecter le renouvellement de la ressource, dans son dernier rapport annuel et son chapitre consacré à la gestion quantitative de l’eau : les résultats obtenus (de l’administration de la politique de l’eau) ne permettent pas de garantir aux citoyens un accès durable à tous les usages pour lesquels l’eau est indispensable, tout en préservant la qualité de la ressource et en limitant les prélèvements à un niveau compatible avec son renouvellement.


Notre groupe LFI-NUPES porte le projet politique de la tarification progressive et différenciée des usages de l’eau.


L’agriculture, pilier économique de notre pays et plus gros consommateur d’eau douce, ne pourra pas continuer durablement si elle s’inscrit dans le modèle intensif dominant en vigueur. Les éléments portés à notre connaissance lors de l’élaboration de ce rapport, notamment lors d’auditions de nombreux acteurs hautement qualifiés, nous poussent à promouvoir urgemment et de façon planifiée sur le temps long des pratiques soutenables, favorisant l’irrigation économe et respectueuse de l’environnement. Il est temps de prendre des mesures audacieuses, en se détachant du vieux modèle basé sur l’agrochimie qui appauvri nos sols et en planifiant l’émergence d’une agriculture écologique et paysanne.


Le Conseil économique, social et environnemental appelle à la nécessité de « réaliser une véritable transition écologique et systémique de l’agriculture ». D’après les chiffres rapportés par la Cour des Comptes, la qualité des eaux sera amenée non pas à s’améliorer mais à se détériorer de plus de dix points pour les eaux superficielles et souterraines à l’aune de 2027. Le constat est donc sans appel : la politique publique de l’eau est déficiente pour enrayer la pollution touchant nos sources naturelles en eau. Nous sommes en droit de nous interroger sur la réutilisation des eaux usées dont les prix seront bien supérieurs et qui souvent permettent l’étiage.


La redevance « pollution domestique » payée par les ménages représente 47 % du total des redevances encaissées par les Agences de l’eau, tandis que les redevances pour pollutions diffuses, modulées selon le niveau de toxicité et de dangerosité des substances utilisées par les exploitants, ne représentent que 8,4 %.
Les redevances pour la pollution industrielle s’élèvent quant à elles à 3,2 % et celles
imputées à l’élevage à 0,2 %. Or, le nitrate provenant du nombre important d’élevages ultra-intensifs, est à l’origine de la pollution de l’entièreté des sols et des cours d’eau en Bretagne, incarnée par le désastre écologique des algues vertes. Sur les réserves de substitution, le Cerama (Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement), établissement public sous tutelle du Ministère de la Transition écologique, qui accompagne l’État et les Collectivités territoriales pour l’élaboration et le déploiement de leurs politiques
d’aménagement, pose un postulat éthique et prospectif : « il y a effectivement un
risque de préemption de l’eau qui doit rester un bien commun. Dans tous les cas, cette solution présente un risque et n’est pas forcément une mesure opportune d’adaptation au changement climatique ».


L’énergie est nécessaire au fonctionnement de notre société. S’il est impératif de décarboner nos productions, le parc de centrales nucléaire français n’est pour autant pas résilient au dérèglement climatique et à la tension sur les ressources en eau. L’atome est le deuxième plus gros consommateur d’eau douce en France : il en dépend et n’est pas neutre en conséquence sur les milieux aquatiques. À la dépendance géopolitique aux matières fossiles et non renouvelables importées de l’étranger telles que l’uranium, s’ajoute pour les centrales nucléaires la dépendance jusqu’alors négligée à des ressources en eau douce qui s’amenuisent.


L’industrie joue un rôle majeur dans la chaîne économique de l’offre, bien au-delà des besoins primaires. Si l’objectif de réindustrialisation du pays répond à des besoins sociaux et climatiques, le modèle industriel de demain devra passer par des impératifs de sobriété. Les espoirs mis dans la réutilisation des eaux usées sont le reflet de l’illusion selon laquelle il ne serait pas nécessaire de remettre en cause une consommation déjà dispendieuse. Il nous semble par ailleurs nécessaire d’investir dans des laboratoires spécifiques et de pointe afin d’effectuer des analyses de la qualité de l’eau et des pollutions dans le cadre de contrôles continus dans les zones urbaines, industrielles, naturelles et agricoles.

Le tourisme est incontournable dans l’économie française et certaines activités de loisir sont déjà touchées par la raréfaction de l’eau : du golf au transport fluvial, en passant par les activités hivernales en montagne, les sports équestres ou le canoë-kayak. Il n’est déjà plus possible aujourd’hui de faire comme il y a quelques années, il ne sera donc plus possible d’espérer un retour à un « avant » plein d’excès vis-à-vis de la réalité physique. Nous devrons choisir et choisir c’est renoncer.


Les établissements qui assurent les services les plus essentiels de l’eau, de son contrôle à sa préservation ne voient pas leur dotation financière et leur ressource humaines augmenter. En effet, en sept ans, 285 emplois ont été perdus par les Agences de l’eau, 633 par le Cerema, 91 par l’Office français de la biodiversité qui assure une partie de la police de l’eau. De plus, les recettes des Agences de l’eau
ont été réduites de 9 % entre le dernier programme (2013-2018) et l’actuel (2019-
2024). Le Plan eau du gouvernement supprime le plafond des dépenses des Agences de l’eau, alors que l’ensemble des personnes auditionnées dans l’élaboration de ce rapport s’accordent sur le fait que ce sont les recettes qu’il faudrait déplafonner.


L’augmentation des recettes des Agences de l’eau leur permettrait d’investir plus à la hauteur de ce qui est nécessaire pour faire face aux enjeux grandissants de l’eau.
La cure d’austérité imposée aux services de l’eau est incompréhensible et à rebours
de l’enjeu de la raréfaction de l’eau qui se profile et qui sera très probablement l’enjeu de ce siècle.


Gérer les conflits d’usage et d’intérêt particulier pour l’eau nécessite de faire des choix au service de l’intérêt général. La constitution d’un véritable « pôle eau » est une piste de réflexion, afin de ne pas traiter l’eau comme une affaire de justice courante mais comme un élément vital et donc de tout premier ordre. La pollution massive des terres, de l’eau et de l’air dans la Vallée de la Chimie est en cours et est catastrophique sur le plan sanitaire. Des collectifs citoyens ont mené leurs propres prélèvements sur l’eau potable, les eaux superficielles et souterraines. Agissons dès
maintenant pour garantir un avenir où l’eau sera notre bien commun, saine et accessible à toutes et tous.


Les derniers rapports scientifiques et les observations concrètes des phénomènes d’accélération du changement climatique et de l’épuisement des ressources nous indiquent que la survie de l’humanité et de la civilisation, en harmonie avec la nature, est l’enjeu de notre siècle. L’eau est le reflet de notre civilisation, la ressource de base nécessaire à notre développement : nous devons la protéger et la préserver par une planification écologique. Pour rompre avec le capitalisme financier, nous devons partir des besoins et engager la bifurcation de nos modes de production, d’échanges et de consommation. Continuer avec ce système du profit à court terme, de la compétitivité et de la destruction méthodique de nos services publics, c’est prendre le chemin de l’effondrement et de la barbarie.


Un autre monde est possible ! Si le partage des richesses, fruit de la production du travail commun, est une nécessité, alors le partage de l’eau est partie intégrante d’un nouveau contrat social car indispensable à la vie de chaque être humain

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